Des pleins et des déliés

J'ai posé mes pattes sur l'azerty.
J'vois des griffes acérées au bout de mes doigts brûlants de désir.
Les touches s'enfoncent dans les marais de mes souvenirs.
Y'a des sales gosses vicelards. Ils se gaussent encore.
Leur rire a la jaunisse, leur âme est noire.
J'extirpe des cœurs moisis de poitrines répugnantes.
Y'a toutes ces nénettes qu'on adore sans les connaître.
Leur visage angélique, leur vérité hideuse.
A défaut du corps d'une femme, mes pognes tombantes.
Les bras ballants.
Ils s'élancent ensuite.
Les bras ballants, s'ouvrent.
Plongée dans ton sexe, apnée salvatrice.
Je veux m'étouffer en toi.
Donne moi cet instant fugitif de mort.
Ce modeste décès, celui où soudain, la vie.
Qui sait aimer sans convoiter ? Qui sait aimer sans posséder ?
J'ai mis mes larmes en bocaux.
Ma cave en est pleine.
Chaque soir, je prends le temps d'y faire un tour.
J'en bois des lampées effarantes.
Prends ma menotte, rejoins moi dans ma nuit.
J'ai tellement traîné mes guêtres dans ce néant, je me dirige à l'instinct.

Dans la descente

Descente au sixième sous-sol.
Moyen de transport : chute libre émotionnelle.
Des paquets d'nerfs se resserrent.
J'entends les sirènes, ça pue le mauvais vin et les mégots.
Hé, j'me demande ce que sont ces cachetons.
Ils tombent par milliers, c'est comme une neige un peu bruyante.
Y'a du lexo, des anti dépresseurs à foison.
Le psychiatre entame sa mélopée en fond sonore.
Y'a ton sourire narquois en guise de coucher de soleil.

Le vent ?
Mes soupirs, tes soupirs, nos hurlements en rafales.
Tout est un peu flou. Pardon, tout est très flou.
C'est même plus gaussien, c'est carrément le chaos.

J'ai lâché la bride d'une monture un peu folle.
Deux ou trois souffles courts, une longue respiration. 
Les muscles se tendent, l'esprit se relâche. Et je largue les fausses princesses. 
Tu sais, celles qu'on idolâtre des années durant et qui ne mérite pourtant pas plus qu'un coup de reins. 
Elles sont restées au sol, au fond de ce gouffre pourtant sans fond.
Que leur prétendue beauté flétrisse ou se conserve, peu m'importe. 
Défonce le rétroviseur, crache au sol et avance.
Y'a un monde à découvrir, quelque soit ton âge.
La solitude sera fidèle.
Le couple est une prison, l'amour un piège à cons.

Lettre ouverte à coeur fermé

Je suis vêtu de fourrures puantes.
J'avance en traînant la jambe, mon pied laisse un sillon dans le bitume fumant. 
Il y a des cadavres, des cadavres de villages, des villes cannibales peuplées de fantômes. 
Les métropoles agitent leur mâchoires bienfaisantes. La verdure se transforme en ciment dans les entrailles des faubourgs. 
Les hommes de la terre aspirent à la dignité du costume. 

Ma route est sinueuse, se perd dans un écran de fumée. La lumière bleue des tactiles émousse jusqu'au toucher. La lumière bleue des tactiles remplace le bleu du ciel défunt.
La mousse amère d'une bière tiède réveille les sens. 
Et le sens repart de là où il est venu. 
Le sens se perds dans un écho, je laisse au silence le soin de dévorer mon angoisse. 

Des bruits de succion viennent briser le néant. Des sans dents se délectent en bavant de mauvaise viande. Le gras coule de leur sandwiches.
Les élites continuent la grande mystification. On voit leur spectres gigantesques qui gesticulent dans des écrans plasma. Leur plaintes sont insupportables et pourtant chacun vient chercher sa dose quotidiennement. 

Je suis vêtu de fourrures puantes. 
J'avance dans le vent cinglant des braillements commerciaux. Qui sont ses chantres qui éventrent nos cervelets ? Le désir de l'avoir étouffe les consciences. Ce même désir étouffe le plaisir d'être. 
Je les vois ses vaincus, petites gens ou grands bourgeois, simples citoyens ou gourous démocratiquement désignés, ces vaincus donc, je les vois se rêver sans cesse. Je les vois fantasmer leur avenir, se goinfrer de présents et mépriser le présent. 
Sont-ils vivants, sont-ils morts ? Suis-je vivant, suis-je mort ?

Une chose est certaine, ils continuent la grande reproduction.
Leur innocente engeance laissera tôt ou tard en pâture d'épatantes boites crâniennes. On verra des pingouins charognards sucer la moelle de l'insouciance des marmots encore braillards. Il sera l'heure du sacrifice, celui où l'achat d'un téléphone comble les frustrations. Jusqu'au jour pas si lointain où un nouveau téléphone fait son apparition.

35 heures par semaine à minima : voilà le sacrifice à consentir. Le sacrifice pour participer au grand gavage. Les manitous ouvrent béantes les cervelles atrophiées. On va verser le venin par litrons, et quand les dernières résistances seront anéanties, on pourra se poser les bonnes questions. On pourra se demander si le canapé suédois est bien assorti au faux parquet flottant.

J'enfonce des portes ouvertes la tête baissée.