Des mots sur la jetée

La seule poésie qui vaille est celle du chaos,
Celle de la rage et du désespoir,
Celle qui éclate au visage, celle qui laisse des éclaboussures poisseuses,
Celle qui sent les tripes, le mauvais vin et le sperme rance.
La beauté est dans une paire de jambes pendantes,
Elle plane sous ces pompes qui contemplent l'eau stagnante,
Elle est dans l'attraction irrésistible pour le vide.
Il y a du sublime dans l'abject.
Il n'y a qu'une vérité : la démarche pathétique du poivrot du samedi soir,
Le vide de sa chambrée, sa tronche baveuse sur une cuvette.

Lui seul connaît la félicité, caresse de ces mains sales le réel : sa condition pitoyable d'animal meurtri.
Le reste n'est que tiédeur et mensonges.

Déclaration

D'atroces charognards apostrophent
Posés en profs
Envoient des grognards au baston
Font tourner les vestons
Atrophient les égos
Inégaux : leurs idéaux visqueux au bout des doigts
La juste balance paume son latin
Des cœurs vides d'amour d'une tonne pourtant
Des mots creux, crasseux
Le manque de temps - séquestrés
Le manque de tout orchestré
Un adage :
Maquille tes plaies
Travestis ton âme
Remplis tes poches
Tourne le dos à la vie

Mon adage : brûle, hurle,
Nos vies sont des virgules,
Ton corps nos canicules,
Et  s'évanouit la pendule.

Ravies sœurs

T'as vu la vie ravie
Des veaux vénaux
Des veaux voûtés
Envoûtés vite vieillots
Vouent leurs viscères aux volutes vaines
Des vies volées va-tout vital
Sans vis à vis la vie la vraie
Des va-t-en-guerre valsent
Des cartes vitales

Et crache les poumons
Les théories pourries
Des fois j'en ris
Des fois j'écris
Ravi pour rien éclate ta vie
Défait c'foutoir dans l'canapé
Refait l'monde au comptoir affalé

Dans ma chambrée ça sniffe l'amour
Flottant dans la sueur on est moins lourd
Un pète au casque
Le pèt' un masque
On tient l'alcool
L'alcool nous tient
La complainte du mec plein
Sa pinte
La plainte de ses reins

Des hommes pingouins tirent les ficelles
Font un foin de rien comme des pucelles
Y'aura pas d'thème
Mais des je t'aime
Garde tes totems
Frappe moi d'anathème
Tous vos baptêmes battent de l'aile

Et on s'envole
Mes pieds s'dérobent
Ta robe s'envole
La weed m'emmène
Les rides s'amènent
Reste un sale gosse
Face aux négoces
Au capital qu'on engrosse

Atroce apostrophe

Des zonards au bout des lignes
Des tarins tarés au bout des lignes
Des gros poissons,
Des p'tits poissons au bout des lignes
J'gratte entre les lignes,
Des lignes ma sève,
Des lignes de rage,
Tes lignes de rêve,
Tes lignes en nage.