Lettre ouverte à coeur fermé

Je suis vêtu de fourrures puantes.
J'avance en traînant la jambe, mon pied laisse un sillon dans le bitume fumant. 
Il y a des cadavres, des cadavres de villages, des villes cannibales peuplées de fantômes. 
Les métropoles agitent leur mâchoires bienfaisantes. La verdure se transforme en ciment dans les entrailles des faubourgs. 
Les hommes de la terre aspirent à la dignité du costume. 

Ma route est sinueuse, se perd dans un écran de fumée. La lumière bleue des tactiles émousse jusqu'au toucher. La lumière bleue des tactiles remplace le bleu du ciel défunt.
La mousse amère d'une bière tiède réveille les sens. 
Et le sens repart de là où il est venu. 
Le sens se perds dans un écho, je laisse au silence le soin de dévorer mon angoisse. 

Des bruits de succion viennent briser le néant. Des sans dents se délectent en bavant de mauvaise viande. Le gras coule de leur sandwiches.
Les élites continuent la grande mystification. On voit leur spectres gigantesques qui gesticulent dans des écrans plasma. Leur plaintes sont insupportables et pourtant chacun vient chercher sa dose quotidiennement. 

Je suis vêtu de fourrures puantes. 
J'avance dans le vent cinglant des braillements commerciaux. Qui sont ses chantres qui éventrent nos cervelets ? Le désir de l'avoir étouffe les consciences. Ce même désir étouffe le plaisir d'être. 
Je les vois ses vaincus, petites gens ou grands bourgeois, simples citoyens ou gourous démocratiquement désignés, ces vaincus donc, je les vois se rêver sans cesse. Je les vois fantasmer leur avenir, se goinfrer de présents et mépriser le présent. 
Sont-ils vivants, sont-ils morts ? Suis-je vivant, suis-je mort ?

Une chose est certaine, ils continuent la grande reproduction.
Leur innocente engeance laissera tôt ou tard en pâture d'épatantes boites crâniennes. On verra des pingouins charognards sucer la moelle de l'insouciance des marmots encore braillards. Il sera l'heure du sacrifice, celui où l'achat d'un téléphone comble les frustrations. Jusqu'au jour pas si lointain où un nouveau téléphone fait son apparition.

35 heures par semaine à minima : voilà le sacrifice à consentir. Le sacrifice pour participer au grand gavage. Les manitous ouvrent béantes les cervelles atrophiées. On va verser le venin par litrons, et quand les dernières résistances seront anéanties, on pourra se poser les bonnes questions. On pourra se demander si le canapé suédois est bien assorti au faux parquet flottant.

J'enfonce des portes ouvertes la tête baissée. 



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